Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     AMOUR1          AMOUR2     
FEW XXIV amor
AMOUR, subst. fém.
[T-L : amor ; GD : amor ; GDC : amour ; AND : amur ; FEW XXIV, 464a : amor]

"Amour"

A. -

[Entre un homme et une femme] : Et nous cuidions, se vous eussiez eu voulenté de femme prendre, que nous feussions le premier a qui vous en eussiez prins conseil. Monseigneur, dist Remondin, ne vous en vueille desplaire, car amours a tant de puissance que il fait faire les choses ainsi qu'il lui plaist, et je suis si avant alé en ce marchié que je n'en puis reculer ; et, se je povoie, bien pour certain ne le feroye je pas. (ARRAS, c.1392-1393, 36). Monseigneur, dist le cappitaine, or vous ay je compté pourquoy la guerre est meue, pourquoy le soudant a la mer passé. En nom Dieu, dist Uriiens, amours a bien tant et plus de puissance que de faire ceste emprise faire. Et sachiez, puis que le soudant a ceste emprise encommencee par force d'amours, tant fait il plus a doubter, car amours a tant de puissance qu'elle fait aux couars faire grans emprises, et de telles que ilz n'oseroient penser. (ARRAS, c.1392-1393, 94). ...elle [Hermine] dit a soy mesmes que, se il avoit le visaige plus contrefait c. foiz que il n'a, si est il tailliez, pour sa bonté et pour sa prouesse, d'avoir la fille du plus hault roy du monde a amie. Et ainsi pensa la damoiselle toute la nuit a Uriien, car amours la fait penser par son hault povoir. (ARRAS, c.1392-1393, 104).

 

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P. méton. [En apostrophe] "Personne aimée" : Par ma foy, ma doulce amour, vous avez trop plus fait pour moy que je n'ay pour vous, quant vous me avez fait le don de vostre noble corps et herite de vostre noble royaume, et avecques moy n'avez rien prins que mon corps. (ARRAS, c.1392-1393, 192). Et quant Remond la voit [Mélusine], si fu moult doulent. Hay, dist il, m'amour, or vous ay je trahie par le faulx enortement de mon frere, et me sui parjurez envers vous. (ARRAS, c.1392-1393, 242).

 

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Par (force d') amour. "Par amour" : Et sachiez, puis que le soudant a ceste emprise encommencee par force d'amours, tant fait il plus a doubter, car amours a tant de puissance qu'elle fait aux couars faire grans emprises, et de telles que ilz n'oseroient penser. (ARRAS, c.1392-1393, 94). ...le roy d'Ausay l'a demandee a femme [la demoiselle de Lucembourg], mais elle ne s'i est pas voulu assentir (...) [il] en a eu tel despit qu'il a deffiee la damoiselle et son pays, et y est entrez a force, et banniere desploiee, faisant guerre de sang et de feu, par son oultraige, sans cause et sans raison, et l'a assegiee, lui et ses gens, en la ville et chastel de Lucembourc, et a juré que jamais ne s'en partira jusques a ce qu'il l'aura prise. Et dit, comment qu'il soit, que il l'aura par force ou par amours. (ARRAS, c.1392-1393, 150).

 

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Par amour. "En gage d'amour" : Et tenez, mon amy, a nostre amour commencier, je vous donne ces deux verges d'or qui tiennent ensemble ; [dont] les pierres ont moult grant vertu, l'une que cil a qui elle sera donnee par amour, ne pourra mourir par cops d'armes, tant que il l'ait sur lui, l'autre qu'elle lui donrra victoire contre tous ses mal veullans, s'il a bonne querelle, soit en plaidoierie, ou en meslee. (ARRAS, c.1392-1393, 27).

 

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Nos amours : Las ! Mon amy [Remondin], or sont noz amours tournees en hayne, noz doulceurs en durté, noz soulaz et noz joyes en larmes et en plours, nostre bon eur en tres dure et infortuneuse pestillence. (ARRAS, c.1392-1393, 256).

 

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Avoir la bonne amour de qqn. "Obtenir son amour" : Ma chiere dame, puisqu'il vous plaist, je le vous diray. Je desire tant que nulle autre chose plus, d'avoir vostre bonne amour et vostre bonne grace. Par ma foy, dist la dame, a ce n'avez vous pas failly, mais que vous n'y pensez fors toute honneur, car ja homme n'aura m'amour en soingnentaige. Haa, ma tres chiere dame, dist ly roys Elinas, je ne pense a nul cas deshonneste. (ARRAS, c.1392-1393, 9).

 

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Estre espris de l'amour de qqn. "Être enflammé d'amour pour lui" : Dont, dist la dame, qui bien savoit qu'il estoit espris de s'amour : Se vous me voulez prendre a femme et jurer que, se nous avons enfans ensemble, que vous ne mettrez ja peine de moy veoir en ma gesine, ne ne ferez par voye quelconques tant que vous me voiez, je suiz celle qui obeiray a vous comme loyal moillier doit obeir a son espoux. (ARRAS, c.1392-1393, 9).

 

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L'amour de qqn : ...quant Elinas ot perdue Presine et ses trois filles, il fu si esbahiz qu'il ne scot que faire ne que penser. Mais fu depuis, l'espace de VIIJ. ans, qu'il ne faisoit que plaindre, gemir et souspirer, et faire griefz lamentacions pour l'amour de Presine, qu'il amoit de loyal amour. (ARRAS, c.1392-1393, 10). Et la tout chevalier de noble lignie qui y vouldront venir veillier la sourveille et la veille et le jour XXVe de juing, sans sommeillier, auront un don de toy des choses que on puet avoir temporelment des terriennes choses, sans demander ton corps, ne t'amour, en estat de mariage ou d'autre conjunction naturelle. Et ceulx qui ce don te demanderoient, sans eulx vouloir deporter, seroient infortunez jusques à la IXe lignie et seroient dechaciez de toutes leurs prosperitez. (ARRAS, c.1392-1393, 13). Et atant leur povez dire seurement que vous [Remondin] prenez une fille de roy, mais plus avant ne leur en descouvrez, si chier que avez l'amour de moy. (ARRAS, c.1392-1393, 35).

 

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L'amour aux dames. "L'amour des dames" : Par foy, dist ly contes de Poictiers, beaulx cousins de Forests, vous avez pieca ouy dire que l'amour aux dames donne peine et travail aux amoureux, et la mort aux chevaulx. (ARRAS, c.1392-1393, 41).

B. -

[Amour filial, maternel, fraternel] : ...je [Mélusine] m'en pense a vengier [de notre père], car aussi pou de soulaz qu'il a empetré a nostre mere par sa faulseté, je lui pense a faire. Et les autres deux lui respondirent : Vous estes nostre ainsnee, nous vous suivrons et avouerons ce que vous en vouldrez faire. Par ma foy, dist Melusigne, mes suers, vous monstrez amour de vrayes filles a vostre mere, et c'est moult bien dit. (ARRAS, c.1392-1393, 11). ...elle avoit grant douleur au cuer de leur departie, car elle les amoit d'amour de mere, non pas d'amour de faulse nourrisse. (ARRAS, c.1392-1393, 83).

 

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Grand signe d'amour : Et a l'approuchier de Gieffroy, elle s'enclina tout jus a terre. Et aussi fist Gieffroy et la dreca en l'embracant moult doulcement, et la baisa. Et après lui dist : Ma dame ma seur, Dieu vous doint joye de quan que vostre cuer desire. Et celle le bienviengna en monstrant grant signe d'amour. (ARRAS, c.1392-1393, 215).

C. -

[Entre deux hommes, entre un homme et une femme] "Amitié profonde" : ...tous chevaliers doivent aidier les vefves, les orphelins et les pucelles en leur droit gardant. Et on nous avoit bien informez que le roy vous tenoit guerre a son tres grant tort, et pour ce y sommes nous venus. Et ne vous doubtez, car du vostre ne voulons nous vaillant un petit denier, mais que vostre bonne amour sans villenie. Quant la pucelle entendy ces paroles, si fu moult esbahie de la grant honneur que les freres lui faisoient (ARRAS, c.1392-1393, 166). Et ceulx leur compterent toute la pure verité et la grant puissance et la valeur des deux freres, et comment Renault estoit roy de Behaigne. Quant ceulx de Couloigne entendirent ces paroles, si dirent qu'ilz estoient bien eureux d'avoir acquis l'amour de telz deux princes. Et lors font faire grant appareil pour recevoir le duc Anthoine et le roy d'Ausaiz et leurs gens. (ARRAS, c.1392-1393, 194).

 

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Faire les coeurs enflammés d'amour : Et gardez, tant que vous aurez a estre conquerant, que entre vous compaignons ne vous maintenez comme sire, mais commun au grant et au petit, et parler et tenir compaignie a chascun selon sa qualité, car ce fait les cuers enflammez d'amour a ceulx qui ainsi sont humain en seignourie. (ARRAS, c.1392-1393, 87).

 

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Pour l'amour de qqn : Ma damoiselle, tantost que je pourray avoir lieu de yssir de la cité, que je voye que je puisse eschapper des Sarrazins. Amis, dist elle, vous me saluerez les deux damoisiaux, et donrez a l'ainsné de par moy cest fermail, et lui dittez que il le porte pour l'amour de moy. Et ceste verge a ce diamant vous donrez au moinsné, et les me saluez beaucop de foiz. (ARRAS, c.1392-1393, 97). ...et [Geoffroy] seray cellui qui voulentiers le recevray [Glaude de Sion] en ses excusacions, lui et ses complices. Et viengnent seurement. Je lui donne sauf alant et sauf venant de cy a huit jours, lui LXme. Et la cause pourquoy je le faiz, c'est pour l'amour de vous et de voz enfans. (ARRAS, c.1392-1393, 209).

D. -

Loc. prép. Pour l'amour de qqc./de qqn. "En l'honneur de qqc. ou de qqn" : Ly contes Emeris manda moult noble baronnie pour l'amour de la chevalerie de son filz. Et manda lors au conte de Forestz qu'il venist a sa feste, et admenast trois de ses filz ainsnez, car il les vouloit veoir. Le conte de Forez vint a son mandement le plus honnourablement qu'il pot, et admena ses trois filz. La feste fu moult grant, et furent faiz pluseurs chevaliers nouveaulx pour l'amour de Bertrand, le filz au conte de Poittiers, qui fut, la journee, fait nouveaulx chevaliers. (ARRAS, c.1392-1393, 16). Si en louent Nostre Seigneur Jhesucrist, et furent les messagiers receuz a grant joye de tous costez et orent de beaulx dons. Et en renforca la feste et dura plus VIII. jours tous entiers pour l'amour des haultes et nobles nouvelles. (ARRAS, c.1392-1393, 145).
 

Arras Jocelyne Bernardoff / Jean-Loup Ringenbach


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